
Je crois opportun en ce week-end de la Fête des patriotes de vous parler de mon cousin Denis Blais qui a sans doute été l’un de visages discrets, mais importants du Parti québécois dans les décennies de 1970-1980.

de la paroisse Saint-Sauveur de Québec,
Parrain: Gabriel Gauvreau (1900-1980), Marraine: Rose Gauvreau (1906-1982)

(Jean Robert) Denis Blais (Québec-1946 / Montréal-1987) était le fils unique de Robert Blais (Québec-1918 / Québec-1993) et de Marcelle Desneiges Gauvreau (Québec 1918 / Québec-2003 ), sœur de mon père Vincent (Québec-1911/ Montréal-1968). Il est décédé prématurément à l’âge de 41 ans en 1987. Son court passage dans cette vie a suscité l’admiration de ses pairs.

Il fût un des premiers permanents au Parti québécois où il a agi à titre de recherchiste dans l’opposition en 1970. Il a été chef de cabinet de Marc-André Bédard de 1976 à 1983. En 1986, il devient conseiller juridique à la Caisse de dépôt et placement du Québec.
Marc-André Bédard (1935-2020) qui a été ministre de la Justice et le père de la Charte québécoise des droits (1976-1984) a été particulièrement bouleversé par le décès de Denis, qualifiant sa mort « de départ d’un des éléments les plus exceptionnels d’une relève pour la société québécoise ».
Claude Charron (1946- ), délégué aux Affaires parlementaires (1979-1982), Leader parlementaire adjoint du gouvernement (1976-1978) et Leader parlementaire du gouvernement (1978-1982) a dit de Denis Blais qu’il « incarnait l’espoir et la générosité ». Il a poursuivi en disant « Denis Blais était l’un de ceux qui ont le plus aidé le Parti québécois à franchir le cap de la crédibilité. »

Histoire de famille
Je n’ai pas connu personnellement Denis. Pour des raisons nébuleuses, sa mère n’entretenait pas beaucoup de relation avec la famille. Ma mère m’avait déjà dit que tante Marcelle m’aimait beaucoup. Je devais être très jeune, car je n’ai aucun souvenir d’elle ni à quoi elle ressemblait.
Je me souviens cependant d’oncle Robert pour l’avoir vu à quelques occasions, toujours seul, sans son épouse. Au décès de mon père, il était chez ma tante Éliane Gagnon après l’enterrement. Il avait de la difficulté à marcher. Ma mère avait raconté qu’il avait perdu une jambe dans un accident de train lorsqu’il était jeune. J’ai retrouvé dans un article du Soleil du 8 août 1938 le récit des faits qui se sont produits au lac Sergent. Il est conforme au récit que ma mère m’en a fait.

Ce 20 mars 1968, alors que nous venions d’enterrer mon père, mes oncles, tantes, cousins et cousines étaient présents. Denis n’y était pas. Je me souviens que tout le monde avait beaucoup de plaisir dans la cuisine du logement de la première avenue du quartier Limoilou, ce qui tranchait avec les heures difficiles que nous avions traversées plus tôt durant cette longue journée. Mon cousin Raymond Gagnon avait reçu un appel téléphonique d’un ami et il avait dit à son interlocuteur qui lui demandait ce qu’il faisait, qu’il venait d’enterrer son oncle et que l’fun était pris dans la maison. Ce sont des moments comme ceux-là qui font partie de mes souvenirs heureux, même dans des périodes difficiles. Je n’avais que 11 ans à l’époque.
Anecdote
Les décennies 1970-1980 ont constitué une période très polarisée au niveau politique avec la venue du Parti québécois au pouvoir et le référendum sur l’indépendance du Québec. Si les campagnes du « Oui » et du « Non » s’opposaient et suscitait des débats parfois houleux dans la société, il en était de même dans les familles. La nôtre ne faisait pas exception à la règle.
J’ai été témoin de quelques discussions entre ma mère et tante Yvette au sujet de Denis qui œuvrait pour les méchants séparatistes. Elles faisaient partie du clan fédéraliste des « Yvette», scandalisées par le discours de la ministre Lise Payette.

Lise Bissonnette alors éditorialiste au Devoir raconte un peu ce qu’était ce mouvement. :
« La ministre disait en somme que les femmes qui voteraient NON étaient soumises. » Soumises comme cette « Yvette » qu’on trouvait dans un manuel scolaire dont elle dénonçait les stéréotypes sexistes.
En plus, Mme Payette avait confié aux 750 femmes présentes au rassemblement qu’elle « haïssait » le chef libéral Claude Ryan. Celui-ci, s’il devenait premier ministre, voudrait des « Yvette plein le Québec… il est marié à une Yvette ».

Le plus drôle dans tout ça, c’est que la femme de Claude Ryan s’appelait en réalité Madeleine. La madame, selon Lise Bissonnette qui la connaissait bien, avait été membre du Conseil supérieur de l’éducation entre autres et actives dans toutes sortes de mouvements sociaux. « Avant de s’en prendre à Madeleine Ryan à travers son mari, écrit Bissonnette, Mme Payette aurait pu se renseigner un brin. Juste un peu. » Il n’en fallait pas plus pour mobiliser les « Yvette » pour le Non.

Marcelle Gauvreau et Robert Blais ont été anéantis par la perte de leur fils unique. Toute la famille repose aujourd’hui au cimetière Notre-Dame de Belmont à Québec. Marcelle Gauvreau aura perdu de son vivant les deux personnes probablement les plus signifiantes de son existence: son Denis en 1987 et son Robert en 1993.
Les décès de Robert Blais et de son épouse sont passés quelque peu sous silence dans notre branche familiale. Robert est décédé 20 jours après ma mère. Je n’en ai rien su, pas plus que pour celui de Marcelle survenue en 2003 et de sa sœur Yvette, pourtant proche de ma mère, en 2004.
Je vivais à Québec depuis le mois d’août de 2003. J’ignore à quel moment de cette année-là tante Marcelle est décédée. J’avais perdu contact avec la branche familiale de Québec depuis le décès de ma mère.

Je réalise en vieillissant que les gens se perdent souvent de vue pour toute sorte de motifs. Depuis que je fais des recherches généalogiques sur ma famille, c’est ce que je remarque à plusieurs époques de notre histoire familiale.
J’ai été très surpris de constater le nombre de gens qui ont existé dans notre arbre généalogique sans les avoir rencontrés ou même en avoir entendu parler par ceux et celles qui les ont côtoyés. C’est tout de même particulier.
Au-delà des clivages, des absences et des sujets controversés dans nos familles, nous avons tous un rôle dans l’Histoire et il est plus que pertinent de s’en souvenir.
Ma mère disait qu’on se retrouvait lors des baptêmes, des mariages et des funérailles. Les rituels ont grandement changé au cours des dernières décennies, au point où cette affirmation s’applique de moins en moins à notre époque. Je trouve ça dommage. Je préfère le devoir de mémoire à l’oubli.
Mes pensées en ce week-end de la fête des Patriotes vont à Denis, en souhaitant que son apport à la politique québécoise ne tombe pas dans l’oubli.
Quelle découverte ! Je savais que Robert avait perdu sa jambe dans un accident de train mais je ne connaissais pas les détails.
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