« Le temps m’appelle pour que je me rappelle. »
À l’aube de ma retraite, j’ai fait des découvertes étonnantes sur ma grand-mère maternelle. Je devrais employer le mot « bouleversantes ». Je me relève à peine émotionnellement de ce dont j’ai appris sur cette femme que je la croyais morte bien avant ma naissance et que je n’ai jamais eu l’occasion de rencontrer. Je dois me rendre à l’évidence qu’une partie de mon histoire familiale a reposé trop longtemps sur un mensonge.
Marie Perreault est née en 1894 à Lambton, aux limites de l’Estrie et de la Beauce. Elle s’était unie à Albert Jarest en 1917 à la cathédrale Saint-Michel de Sherbrooke. Albert était originaire de Saint-Hyacinthe où il avait vu le jour en 1895. Le moment et le lieu de leur rencontre demeurent à ce jour mystérieux.
La première fois que j’ai entendu parler de Marie, c’est peu de temps après le décès de ma mère en 1993. Nous avions retrouvé son certificat de naissance daté de 22 mars 1921. Le document mentionnait que ma mère était la fille d’Albert Jarest et de Marie Perreault. La famille vivait alors à Sault-Sainte-Marie en Ontario.
Ma mère m’avait vaguement parlé de son frère qui était décédé vers 1940 à l’âge de 17 ans. Elle racontait qu’il était mort frapper par la foudre alors qu’il travaillait à la ferme. J’ignorais son nom et l’endroit où il était décédé lorsque j’ai entrepris mes premières recherches généalogiques en mai 2020.
Elle m’avait aussi raconté qu’elle tait la cousine de Doris Lussier, connu au Québec sous son alias du Père Gédéon, un écrivain, humoriste et raconteur.
Ma mère n’a jamais parlé de ses parents. C’est au retour à la maison après le souper de Noël de 1992 chez mon frère qu’elle me confia qu’elle avait beaucoup pensé à son père au cours des derniers jours et qu’il lui manquait. Sans doute le fait d’avoir appris quelques jours auparavant qu’elle était atteinte d’un cancer en phase terminale avait contribué à l’émergence d’émotions intenses, dont l’absence de son père qu’elle n’avait jamais revu depuis l’âge de cinq ans.
Elle m’avait alors confié que toute sa vie, elle avait vécu dans la peur d’être abandonnée, mais qu’elle se sentait entourée de ses enfants et de ses deux petits-fils dans cette période difficile. Elle savait très bien qu’elle vivait son dernier Noël avec sa famille. Il n’en demeure pas moins qu’elle ne m’a jamais parlé de sa mère.
C’est avec très peu d’indices que j’ai entrepris mes recherches. Ce que je découvrirai dans ma quête m’amènera à refaire le devoir de mémoire comme il aurait dû être fait depuis longtemps. Ça m’a aussi permis de voir ma mère et la famille Jarest qui l’avait prise adoption, bien au-delà des perceptions que j’en avais eues et de ce qu’on avait bien voulu m’en dire. Bien que passionnante, cette expérience fut pour moi une véritable onde de choc.
Certes j’y vais de mon interprétation des événements à partir de documents numérisés que j’ai retrouvés à la Bibliothèque et Archives nationales du Québec, mais aussi par le témoignage d’un cousin germain éloigné au 1er degré, neveu de Marie, que j’ai retrouvé.
Je peux aussi comprendre pourquoi il en a été ainsi dans le contexte sociologique du Québec catholique de la première moitié du 20e siècle. Ce n’est qu’à partir de 1965 que les Québécois sortiront de ce qu’on appelait alors la grande noirceur pour vivre cette aventure fabuleuse qu’on a appelé la Révolution tranquille. Il aura fallu attendre encore plusieurs années pour que la société se transforme et s’investisse dans la mouvance laïque pour s’extirper de sa dépendance du clergé.
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